jeudi 30 juillet 2015

100 graines d'idées #40 chez Alice : 2 personnages + 1 histoire + 1 morale = 



La grosse vache et la sauterelle

Toute seule, à la moitié de son pré,
Une grosse vache bien usée,
Ruminait toute la journée,
Jalousant la sauterelle, sa voisine de palier.

Elle répétait à tout-va
Que la sauterelle était folle,
Et que cette vilaine bestiole
Avait voulu l’empoisonner maintes fois.

Dodelinant du derrière
La grosse vache s’en allait altière
Pleurer auprès de son fermier
Qui l’écoutait placidement se lamenter.

La sauterelle me harcèle !
Elle a encore gigué toute la nuit
Sur mes plates-bandes fleuries.
Mais pour qui se prend-elle ?

La sauterelle avait beau nier,
Prétexter que la vache fabulait
Qu’elle inventait moult couplets,
Chaque fois, la pauvre était sermonnée,
Sans autre forme de procès.

Il en fut ainsi des mois, des années.
La grosse vache ruminait,
La sauterelle dépérissait,
Et de désespoir envisagea même de quitter son bout de pré.

C’était sans compter sur la durée.
La grosse vache connut un beau jour
De la manivelle le fameux retour
Qui manifestement allait tout changer.

De ses jérémiades le fermier en eut plus qu’assez.
Lassé de ses pleurnicheries
Il quitta finalement sa grosse vache usée
Non content du tort qu’il lui fit,
Il en trouva vite une autre pour la remplacer.

Il a depuis la vie belle
Et chante sans détour.
La sauterelle quant à elle
Vit enfin de beaux jours.


Quelle chose par là peut nous être enseignée ?
J’en vois deux, dont l’une est qu’il vaut mieux
Regarder son jardin que celui de son voisin ;
L’autre, que celle qui cherche d’un peu trop près la sauterelle
Se méfie toujours du méchant retour de manivelle.

mercredi 29 juillet 2015

100 graines d'idées #38: Racontez-moi votre tout premier souvenir ?

ouhhhh....


Mes tout premiers souvenirs (sans tricher)
Plus j’essaie de les attraper, plus ils s’éloignent.

C’est flou.
Il y en a plusieurs. Un mélange de couleurs et d’images.
Il y a le vernis à ongles rouge d’Albert, qu’il avait amené pendant la sieste.
Il y a le « Saperlipopette ! » de Marie-Thérèse en colère lorsqu’elle nous a découverts au lever tout peinturlurés.
Il y a 2 cygnes : un Pipo et une Caroline auxquels on allait donnait du pain avec ce papi italien qui roulait les R à en faire trrrembler la terre.
Il y a cette robe rose à fleurs bleues que je ne quittais jamais, et ces grands champs verts que je traversais.
Il y a la nappe rouge à carreaux pour les pique-niques improvisés.
Et la glacière orange et blanc.
Il y a l’araignée collée au plafond quand j’étais en haut dans les lits superposés.
Il y a la lune qui me suivait les longues nuits de voyages.
C’est flou.
Il y en a plusieurs. Un mélange d’images et de couleurs.


mardi 28 juillet 2015

100 graines d’idées # 37 chez Alice: 
choisir un arbre près de chez vous et inventez la personne qui l’a planté

voici mon arbre...
L’arbre 

L’arbre est immense.
Au printemps, il s’étire jusqu’au soleil.
L’été, il frémit dans le vent.
L’automne, il se dénude avec pudeur.
Et l’hiver, il abrite les rires des enfants.

et mon texte :

Paul

Je me souviens… petit, je l’enlaçais et lui racontais mes secrets.
On rêvait tous les deux de cabane en hauteur.

L’arbre a toujours été là, au milieu du jardin.
J’imagine qu’il a été planté par grand-père une soirée fraîche d’automne.
Comme je le connais, il a certainement du réunir la famille pour définir l’emplacement précis du nouveau venu.
Tout a été pensé, mesuré, calculé.
Du premier coup de pioche au dernier coup de pelle.
Chaque mètre de jardin aura été étudié.
Chaque carré de terre, analysé.
La distance exacte entre la maison et la barrière.
Le sens du vent.
Et même la rotation de la Terre afin d’orienter parfaitement sur le jardin l’ombre de ce futur géant.

Grand-père était méticuleux, on ne refait pas un ancien coucoutier.
C’est comme ça qu’il nommait son métier. Ça le faisait marrer.
Il fabriquait les coucous suisses  à la Maison du Coucou.
Il était minutieux, le plus soigneux de tous les ouvriers. On le réclamait dès qu’il y avait un pépin, un grain de sable dans l’engrenage. Il s’y connaissait en mécanique, mouvements et autres réglages.
C’était un passionné du coucou. Un dingue de l’horlogerie, un frappé de la pendule !

A la maison, il était aussi précis qu’au travail.
Il distribuait la soupe de façon équitable : une louche un quart par personne. Pas plus ! Pas moins !
Il tranchait la baguette au centimètre.
Et alignait les haricots dans les assiettes.

Mais c’était un drôle surtout !
Il racontait des blagues à longueur de journée. Souvent les mêmes, j’en conviens.
Moi, je rigolais, je rigolais !
Ça énervait Mémé ses vieilles blagues périmées.
« Change de disque mon vieux René ! » qu’elle lui disait.
Et lui il continuait…

Je l’imagine autour de l’arbre avec son mètre et ses blagues à l’ancienne.
Et les autres autour qui devaient s’impatienter…
J’aurais aimé voir ça !

Le coucou

Voici mon chez moi. 
Enfin pas uniquement le mien, je ne suis pas assez vieux, mais avant moi, celui de mes parents, mes grands-parents et mes arrières grands-parents.

L’arbre, je le connais par cœur. Ses moindres plis, ses moindres recoins.
La branche un peu tordue là par exemple : c’est celle qui a vu le plus de fesses en l’air !  Tous les jours quand elle était jeune, elle a eu droit à son cochon pendu. Ça l’a d’ailleurs fait pousser de travers. Et croyez-moi, y’avait de quoi !

Ici vit Mimi, la belle mésange bleue. Je lui fais bien de l’œil de temps en temps. Mais je crois qu’elle s’est entichée du grand Jojo de l’étage du dessus. Et là, je peux pas lutter, j’ai beau chanter, je reste court sur pattes. Je ne suis, après tout, qu’un vulgaire coucou.

On est nombreux à avoir élu domicile dans l’arbre. Depuis qu’il a poussé, sa population n’a cessé de s’agrandir. Faut dire qu’il est bien orienté, bien exposé et qu’il se plait bien au milieu de ce jardin. Comme si il avait été planté là, exprès.

Là en bas, c’est Paul.
La petite quarantaine, la mélancolie en bandoulière.
Il vient toutes les semaines se recueillir sous l’arbre et murmurer ses prières.

Il s’est épris de cet arbre comme on s’éprend d’une femme.
Je lui chante souvent d’aller voir ailleurs, qu’il ne trouvera pas ici l’âme sœur, mais il ne comprend rien.
Il s’accroche à cet arbre comme on s’attache à une mère.
Il s’agrippe à cet arbre comme on se cramponne à un père.

Il reste assis, contemplatif et rêveur pendant des heures.
Il pense que c’est son grand-père qui a planté le petit pied végétal.
Alors il croit au lien du sang, à la transmission générationnelle, à la filiation et à l’héritage.
L’arbre c’est sa famille en somme. Ils porteraient tous les deux le même patrimoine, le même passé, la même histoire.

Je ne comprends pas tout, je ne suis qu’un coucou…
Mais s’il savait le pauvre Paul que cet arbre est simplement né d’une petite graine ingérée, d’un visqueux excrément et d’un heureux coup de vent !